Transferts de fonds africains : une réalité contrastée
Par le biais des transferts de fonds, la diaspora africaine joue un grand rôle dans la transformation économique du continent. Mais depuis deux années, ces envois sont en recul. Une tendance inédite en trente ans.
Tendance mondiale à la baisse
« La faiblesse des cours du pétrole et l’atonie de la croissance des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et de la Fédération de Russie expliquent ce tassement des flux vers l’Asie du Sud et l’Asie centrale, tandis que les mauvaises performances de l’Europe rejaillissent sur les envois de fonds à destination de l’Afrique du Nord et de l’Afrique subsaharienne », explique le rapport produit par la Banque mondiale à l’occasion des assemblées générales du Printemps des institutions internationales.
Pour l’Afrique subsaharienne, ces envois de fonds auraient fléchi de 6,1 % en 2016, à 33 milliards de dollars, sous l’effet conjugué du ralentissement de la croissance dans les pays d’origine, du repli des cours des produits de base et, en particulier, du pétrole, et des envois de fonds informels consécutifs à la mise en place d’un contrôle des changes dans des pays comme le Nigeria. En 2017, les transferts d’argent vers la région devraient augmenter de 3,3 %, à 34 milliards de dollars.
Le Nigeria bat pourtant le record en matière de transferts de fonds en provenance de la diaspora en 2016, avec 19 milliards de dollars, soit une baisse de 10 % tout de même par rapport à 2015. Le Ghana et le Sénégal arrivent ex-æquo, en deuxième position avec un montant de 2 milliards de dollars pour chacun de ces deux pays. Viennent ensuite le Kenya (1,7 milliard de dollars), l’Ouganda (1,1 milliard), le Mali (0,8 milliard), l’Afrique du Sud (0,7 milliard), le Liberia (0,6 milliard), l’Éthiopie (0,6 milliard) et Madagascar (0,4 milliard).
Des coûts de transfert toujours plus élevés
À l’échelle mondiale, le coût moyen du transfert de 200 dollars est resté stable au premier trimestre de 2017, à 7,45 %, même s’il s’agit d’un niveau sensiblement supérieur à la cible de 3 % fixée dans les Objectifs de développement durable. « L’Afrique subsaharienne reste à cet égard la région la plus chère, avec un coût moyen de 9,8 %. La baisse des coûts de transaction achoppe notamment sur la décision des banques internationales de fermer les comptes bancaires détenus par des opérateurs de transferts de fonds afin de supporter l’important fardeau réglementaire lié à la lutte contre le blanchiment d’argent et la criminalité financière. Cette situation explique la complexité des services d’envois de fonds vers certaines régions et leur coût », explique les auteurs du rapport de la Banque mondiale.
Rappelons que chaque année, l’Afrique perdrait près de 1,6 milliard d’euros à cause de la taxe sur les transferts d’argent à destination de l’Afrique subsaharienne estimé à 12 % contre 7,8 % dans le reste du monde selon l’ONG britannique Overseas Development Institute (ODI) publié en avril 2014.
Les transferts de fonds intra-africains en hausse
La directrice régionale du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), Julitta Onabanjo, a déclaré à Nairobi, en marge de la première conférence Afrique-Chine sur la population et le développement, que « la diaspora complète les efforts du gouvernement pour sortir un grand nombre de familles de la pauvreté. » Avant de compléter que « les Africains de la diaspora ramènent également sur leur continent des compétences et des savoirs précieux qu’ils ont acquis dans les pays développés, a t-elle ajouté.
« Ce vivier de main-d’œuvre qualifiée peut aider le continent à répondre aux défis qui freinent le développement socio-économique », a-t-elle souligné. La directrice a également observé que les transferts de fonds liés aux migrations intra-africaines étaient en hausse. « L’Afrique du Sud a un grand nombre d’immigrants africains dont les transferts de fonds soutiennent le revenu de leur famille dans leur pays », a-t-elle précisé.
La directrice a déploré les décès d’Africains en mer liés à l’émigration hors du continent par des voies clandestines. « Les gouvernements doivent mettre en place des politiques pour répondre aux facteurs qui poussent des Africains à risquer leur vie pour partir vers d’autres continents à la recherche de meilleures conditions de vie », a-t-elle ajouté.
Un nouveau gisement du « cash-to-goods »
Jusqu’à très récemment, le segment du transfert d’argent n’était réservé qu’à des opérateurs de « cash-to-cash », un nouveau concept est en train d’éclore, celui du « cash-to-goods ». Le principe ? Lorsqu’une personne envoie de l’argent vers son pays d’origine, ce dernier assigne la somme à une dépense précise. Le destinataire ne touchera jamais l’argent en liquide mais se rendra dans un réseau de distributeurs partenaires où il pourra retirer directement le bien de consommation ou bénéficier du service pour lequel la somme a été envoyée. En résumé, le cash-to-goods permet de transférer de la valeur marchande sous forme de bons d’achat éligibles chez des commerçants choisis par l’expéditeur ou via un catalogue en ligne. L’étude de la Banque mondiale n’a pas encore proposé d’exploitation précise de ces données.
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