Samba Diawara, une vie de militant.
Samba Diawara le 22 novembre 2016, lors de l’inauguration de la maison des associations du guidimakha à Sélibaby – Mauritanie.
Né en 1945 à Boully en Mauritanie, Samba DIAWARA qui est arrivé en France en 1967, nous a quittés le 28 avril 2017 à Nouakchott.
Figure phare des associations de développement mauritaniennes, Samba Diawara n’a pas cessé d’œuvrer d’une part pour le mieux être des habitants de son village , de sa région et de son pays et d’autre part des émigrés originaires de différentes régions d’Afrique.
Ses qualités humaines et son sens de l’organisation lui avaient permis de nouer des nombreux contacts et partenariats. Il avait le don d’animer un collectif, de mobiliser et faire participer chacun en vue de mener ensemble des actions collectives à leur terme, puis le moment venu, de s’effacer pour qu’un autre prenne la main. Sa combativité et sa ténacité le disputaient à son grand sens de l’humour.
Après son entrée en France, Samba Diawara s’est forgé à travers le militantisme syndical, puis à travers la formation d’animateur de developpement organisée par le GRDR. Il s’est alors investi pendant plus de 30 ans dans l’animation des associations.
Contexte historique préalable :
Une loi votée au début du 1er septennat de François Mitterrand, permit aux étrangers de se constituer en association selon la loi 1901. Auparavant les ressortissants des villages sahéliens se regroupaient de façon informelle. Après 1981, ces regroupements en association se développent, ainsi voit le jour une association de ressortissants boullyens.
D’autre part, en 1987 la Mauritanie structure son territoire en 216 communes.
La commune de Boully, située dans la région du Guidimakha, regroupe 19 petites localités rurales autour de Boully-village sur une superficie de 610 m2.
L’Association des Volontaires Pour le Progrès et le Développement de la Commune de Boully (AVPDCB), domiciliée au foyer, 56 de la rue des Fillettes à Aubervilliers (93300), est créée en 1987, avec à sa tête Samba Diawara. Elle décide de dépasser l’échelon villageois pour se consacrer à l’ensemble de la commune.
L’AVPDCB va commencer par financer le creusement de puits, d’une cantine pour les enfants dénutris, d’une banque de céréales et l’aménagement de jardins maraichers collectifs. Puis à la demande de la population boullyenne, elle décide de construire un centre de santé.
Elle mobilise alors plusieurs partenaires : Architectes sans frontières, le GRDR, Secours populaire du Bas Rhin, l’UNICEF de la CEE et de l’ordre de Malte. Mais la plus grande partie du budget d’investissement de l’édifice sera financée par les cotisations des ressortissants boullyens.
Centre de santé de Boully inauguré en 1992.
Le partenariat entre Aubervilliers et Boully :
En 1989, l’AVPDCB prend contact avec la mairie d’Aubervilliers par l’intermédiaire du service de la vie associative, lors de la visite du maire de Boully en France et en 1990 avec un médecin du Centre Municipal de Santé d’Aubervilliers, une équipe du centre de santé, intéressée par la démarche et la détermination de cette association se mobilise alors et débute un travail régulier avec les Boullyens.
En 1992, le centre de santé de Boully est inauguré, et une 1ère mission Albertvillarienne accompagnée par Samba Diawara se rend là-bas en vue d’évaluer les besoins sanitaires, notamment ceux concernant la nutrition, la santé des femmes et des enfants, de démarrer des actions d’éducation sanitaire et nutritionnelle ainsi que des échanges avec le personnel soignant de Boully. Ces actions de terrain menées dans la proximité de la population et des ressortissants seront pérennes et prendront de l’ampleur soutenues par la municipalité d’Aubervilliers qui signe en 1994 une charte de coopération avec l’AVPDCB.
1992, 1ère mission Albertvillarienne conduite à Boully par Samba Diawara (assis). De gauche à droite : Bernadette, Jocelyne, Catherine, Michèle; Claudine et Lydie.
En 1996, l’association « Les Amis de Boully : Aubervilliers Boully Solidaires », est créée, de nouveaux domaines d’intervention (école, jeunesse, formation, hygiène de l’eau et hydraulique…) se développent. Les projets sont cofinancés par la ville d’Aubervilliers et le ministère des Affaires Etrangères.
Dans le même temps une initiative du service de la Vie Associative « Les Ateliers de l’Intégration » va permettre à quelques Boullyens ( Hadyatou et Samba Diawara qui interviennent déjà dans la co-animation de réunions de parents d’Afrique de l’ouest concernant la santé et l’éducation des enfants, ainsi que Doulo Fofana) de s’inscrire activement dans un processus d’aide à l’intégration des familles sahéliennes sur le territoire d’Aubervilliers, avec des actions menées autour de l’accès au logement , l’éducation des enfants, la médiation interculturelle.
Ces actions basées sur le bénévolat dans un souci de réciprocité de l’aide apportée par la ville d’Aubervilliers permettront la création d’un emploi de médiateur interculturel par l’AVPDCB, qui deviendra Association Boullyenne pour le Développement et l’Insertion (ABDI). Cet emploi alors tenu par Hadyatou Diawara l’est maintenant par Housmane Fofana.
Réunion de travail d’ABDI, à droite Samba Diawara en lunettes. De gauche à droite : Hadyatou Diawara, Issa Mansega Diawara, Boubou Diawara et Doulo Fofana.
Tout en poursuivant le travail avec les associations boullyennes, Samba Diawara laissera alors la présidence de l’AVPDCB à Doulo Fofana, se consacrant en priorité à l’Union des Associations du Guidimakha en France : UAGF.
A Aubervilliers, les retours sont positifs, les liens et le soutien de la ville s’intensifient.
Le jumelage entre Aubervilliers et Boully sera signé en 2004. La mise en œuvre des actions dans ce cadre étant confiée alors à l’association les Amis de Boully, qui devient le « Comité de coopération : Aubervilliers Boully Solidaires ». Samba Diawara fait partie du bureau.
18 missions ont été effectuées jusqu’en 2009, les 15 projets réalisés ont été décidés et menés en concertation avec la commune de Boully, les villages et les ressortissants. A partir de 2010, il n’a plus été possible aux partenaires d’aller à Boully pour des raisons liées au contexte sécuritaire international. Des missions ont ensuite été effectuées par les ressortissants, la dernière en date a été menée par Samba Diawara en décembre 2016. Elle a permis de faire le point sur les projets en cours de réalisation, de trouver des solutions pour remettre en route des forages qui étaient en panne, à travers une tournée dans différents villages de la commune, accompagnée du nouveau maire de Boully, de notables et de plusieurs membres de l’ABDI , aujourd’hui retraités et de travailler tous ensemble les modalités actuelles de la coopération entre Aubervilliers et Boully.
Octobre 2004, Pascal Beaudet, maire d’Aubervilliers d’alors et feu Ansoumane Diawara, maire de Boully à l’époque, signent officiellement le jumelage entre les deux communes à l’hôtel de ville d’Aubervilliers.
Parmi les actions menées par l’UAGF, citons, le long travail préparatoire mené par Samba Diawara (qui fut l’un des 2 acteurs migrants mauritaniens à participer au même titre que les ONG à la grande commission mixte franco mauritanienne en 1998) en vue de la création du Réseau des Associations Mauritaniennes en Europe : RAME, qui eu lieu à Aubervilliers le 20 avril 2004.
La dernière en date est la création d’une maison des associations du Guidimakha qui fut inaugurée le 22 novembre 2016.
A la retraite et depuis une dizaine d’années, Samba Diawara s’est investi activement dans une association de médiation interculturelle et d’aide psychologique aux familles migrantes :
« La maison de Soundiata Keita : MSK » dans laquelle il intervenait plusieurs journées par semaine. Passionné par ce nouveau métier, il s’y révéla par son humanisme et sa grande connaissance de la culture soninké.
L’hommage le plus significatif que tous les compagnons de samba peuvent lui rendre, c’est de perpétuer sa mémoire, en entretenant les engagements qui ont fait sa vie.
Réalisé par Bernadette Buisson, présidente du comité de coopération Aubervilliers Boully Solidaires.
Publié par Fodié Ansoumane Diawara, responsable du site internet de l’association (ABDI) et du village de boully : https://www.boully.net