Pourquoi la Mauritanie est tiraillée sur la question du Sahara occidental
Le Mauritanien Ahmed Salem Ould Sidi et l’un des leaders du Polisario, Bachir Mustapha Sayed, signent l’accord de paix du 5 août 1979, à Alger. © AFP
Par Alain Faujas
Le cœur de la Mauritanie penche plutôt du côté des Sahraouis, dont elle a reconnu la République. Mais ses dirigeants successifs jouent les équilibristes, pris en tenaille entre le Maroc et l’Algérie.
Dans le conflit du Sahara occidental, la Mauritanie est écartelée. La première raison de ce déchirement est ethnique : les tribus maures qui sillonnent ce vaste désert n’ont jamais connu de frontières entre ce qui s’appelle aujourd’hui l’Algérie, le Maroc et la Mauritanie. « Beaucoup d’entre elles ont fait allégeance au sultan du Maroc, mais pas aux Marocains », précise un diplomate, qui souligne le caractère personnel et non institutionnalisé de ce lien. D’autres s’y sont refusé, notamment dans l’Adrar, et se sentent proches des tribus sahraouies.
La deuxième raison est géographique : la Mauritanie est prise en tenaille entre le royaume chérifien et la République algérienne, aux armées autrement puissantes que la sienne, qui peine à sécuriser des milliers de kilomètres de frontières.
Le Front Polisario né à Zouerate
L’Histoire confirme cet entrelacs humain et politique. C’est en 1973 à Zouerate, en Mauritanie, que naît le Front Polisario, afin de chasser l’occupant de ce qui s’appelle alors le Sahara espagnol. Mais, en 1975, le premier président du pays, Moktar Ould Daddah, fait cause commune avec le royaume et s’approprie un tiers du territoire libéré. Peut-être parce que sa tribu, les Ouled Bieri, est pro-Maroc.
Cette annexion ne lui porte pas bonheur. Il est obligé de quadrupler les effectifs de l’armée pour affronter le Front Polisario, soutenu par l’Algérie, qui lui inflige de lourdes pertes. L’économie vacille sous le fardeau de cette guerre impopulaire.
Le 10 juillet 1978, le lieutenant-colonel Moustapha Ould Mohamed Saleck dépose le président Ould Daddah. En 1979, la Mauritanie se retire de sa part du Sahara occidental et l’abandonne au Maroc. En 1981, elle reconnaît la République arabe sahraouie démocratique (RASD).
Exercices d’équilibrisme
Depuis, tous les chefs d’État mauritaniens se sont livrés à un exercice d’équilibrisme. En effet, le cœur des Mauritaniens penche plutôt du côté des Sahraouis et de l’Algérie, mais ils ne peuvent oublier que les troupes marocaines campent à quelques kilomètres au nord de Nouadhibou, leur capitale économique.
La position du président actuel, Mohamed Ould Abdelaziz, se situe dans la continuité de ses prédécesseurs, avec une pointe de nationalisme en plus. Certes, il chasse le chargé d’affaires algérien à Nouakchott quand celui-ci accuse le Maroc d’être un champion du trafic de cannabis, mais il accueille à bras ouverts les dirigeants sahraouis. Il vient de voter pour l’entrée du royaume dans l’Union africaine, tout en s’opposant à l’exclusion de la RASD de cette institution.
Il ne faut donc pas s’étonner que les escarmouches se poursuivent sporadiquement. Fin 2015, la Mauritanie s’était livrée à une petite provocation en renforçant sa garnison et en hissant son drapeau dans le fort de Lagouira, au sud de Nouadhibou, dans la zone tampon qui sépare la Mauritanie du Sahara occidental sous tutelle marocaine. Rabat s’en était agacé.
La thèse d’un Grand Maroc
Le 24 décembre 2016, Hamid Chabat, le secrétaire général du parti marocain de l’Istiqlal, claironnait : « La Mauritanie est un territoire marocain », reprenant la thèse défendue dans les années 1950 d’un Grand Maroc s’étendant jusqu’à Saint-Louis du Sénégal.
Le tollé soulevé à Nouakchott et la nécessité pour le royaume chérifien de se concilier un maximum d’États pour prendre sa place dans l’Union africaine ont contraint le Premier ministre marocain à venir jurer au président Abdelaziz que son pays entendait respecter la souveraineté mauritanienne. Gageons que les frictions persisteront.
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Source : www.jeuneafrique.com
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