Législatives : sept questions pas si bêtes avant le premier tour
C’est la dernière ligne droite. La République en marche va-t-elle obtenir une majorité ? Le PS survivra-t-il à cette élection ? Que peuvent espérer Les Républicains ? A quelques heures du premier tour, franceinfo apporte des réponses aux questions que vous vous posez.
Le verdict des urnes approche. Dimanche 11 juin, les électeurs vont voter pour le premier tour des législatives. A quelques heures du scrutin, franceinfo répond à sept questions que vous vous posez peut-être sur cette échéance cruciale pour le président de la République, Emmanuel Macron, et ses adversaires.
1 La République en marche est-elle assurée d’avoir une majorité à l’Assemblée ?
Si l’on en croit les sondages, c’est un raz-de-marée qui se prépare. La dernière enquête d’Ipsos/Sopra Steria prédit un groupe de 385 à 415 députés La République en marche (LREM), bien au-dessus de la barre des 289 députés nécessaires pour la majorité. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces estimations. D’abord, comme à chaque élection présidentielle, Emmanuel Macron devrait bénéficier d’une vague de légitimation. En campagne, les remontées de terrain sont toutes les mêmes : « On a envie de lui laisser sa chance« , « il faut une majorité pour que ça change« , affirment de nombreux électeurs que franceinfo a pu rencontrer sur les marchés.
Ensuite, La République en marche a proposé aux législatives une offre de renouvellement, comme Emmanuel Macron l’a fait pendant sa campagne. Les candidats présentés ne sont, pour la plupart, pas des professionnels de la politique, encore moins des sortants. Au gouvernement aussi, la nomination de nombreux ministres issus de la société civile, pour la plupart inconnus du grand public, nourrit cette image de renouveau.
Enfin, le positionnement central d’En marche ! (le fameux « ni de droite ni de gauche ») permet à Emmanuel Macron de continuer à fracturer les partis traditionnels. Après avoir siphonné à la présidentielle l’électorat socialiste, il s’est attelé à draguer les voix de droite. C’est l’objectif de la nomination du député-maire LR du Havre, Edouard Philippe, à Matignon. Ses premières mesures sont également des signaux en ce sens : la réforme du Code du travail ou le détricotage des réformes éducatives du quinquennat précédent (rythmes scolaires, classes bilangues…).
Les premiers pas du président, que ce soit sur la scène internationale ou intérieure, sont également jugés positivement par les Français : d’après notre enquête Ipsos/Sopra Steria publiée le 6 juin, 60% se disent globalement satisfaits de l’action du président de la République, soit une hausse de 2 points par rapport à la fin mai.
2 Le PS va-t-il prendre la plus grosse claque électorale de son histoire ?
Les sondages publiés dans la dernière ligne droite de la campagne anticipent tous une très lourde défaite du Parti socialiste, crédité, selon les instituts, de 7% à 9% des voix au premier tour. Il s’agirait d’une énorme déroute, inédite sous la Ve République pour un parti de gouvernement. Même lors de la débâcle de 1993, quand seuls 57 députés socialistes avaient été élus, le PS avait tout de même recueilli 17,4% des voix.
Cette fois, les projections en sièges des différents instituts promettent au groupe socialiste d’être réduit à peau de chagrin : 25 à 35 sièges, selon la dernière enquête Ipsos, 30 à 44 d’après Harris Interactive. L’actuel groupe PS à l’Assemblée nationale, qui compte 284 membres, pourrait se retrouver divisé par dix.
Un peu partout en France, de nombreux ténors du parti, y compris des figures montantes, pourraient se voir barrer la route du palais Bourbon. A Paris, le patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis, pourrait être battu, tout comme l’ancienne ministre de l’Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, à Villeurbanne (Rhône). « C’est un peu comme l’émission ‘Rendez-vous en terre inconnue’. Sauf qu’on ne sait pas combien vont revenir, ni dans quel état », résume, dépité, un dirigeant socialiste.
3 Que peuvent escompter Les Républicains ?
LR a vécu une campagne difficile. Après l’entrée au gouvernement de Bruno Le Maire, Edouard Philippe et Gérald Darmanin, la droite a perdu du temps entre les divisions et les hésitations stratégiques. « Au départ, on a eu un très mauvais positionnement tactique avec cette idée de vouloir faire une cohabitation avec François Baroin en Premier ministre, puis on a modifié le discours quand on a compris que ce n’était plus audible » par les électeurs, observe le député sortant Franck Riester, un proche de Bruno Le Maire, qui a signé l’appel à « répondre à la main tendue » d’Emmanuel Macron.
Résultat, les instituts de sondage ne sont pas optimistes sur les chances de la droite républicaine. Selon une enquête Ipsos/Sopra Steria, publiée mardi 6 juin, l’alliance LR-UDI est créditée de 23% des voix, derrière les 29,5% des candidats LREM. Mais c’est surtout la projection en sièges qui inquiète l’état-major LR. Selon cette enquête, l’alliance LR-UDI obtiendrait entre 105 et 125 sièges, très loin des 385 à 415 députés crédités pour LREM. Le groupe parlementaire de la droite, qui compte actuellement 226 membres, pourrait donc se retrouver divisé par deux – sans compter les éventuels départs de députés de centre-droit tentés par l’expérience macroniste.
4 Le FN peut-il espérer un groupe parlementaire ?
C’est tout l’enjeu de dimanche pour le Front national. « Le FN sera jugé sur sa capacité à faire élire Marine Le Pen à Hénin-Beaumont et à avoir un groupe parlementaire à l’Assemblée », explique à franceinfo Stéphane Zumsteeg, le directeur du département Politique et Opinion d’Ipsos. « L’objectif est très clairement de constituer un groupe », assurait, mercredi, Nicolas Bay, directeur de la campagne des législatives pour le FN. Un groupe parlementaire permet en effet de disposer d’avantages matériels et politiques. Sans groupe, difficile d’exister au palais Bourbon. Les postes à responsabilité, les sièges en commissions, les places dans l’hémicycle et les temps de parole sont ainsi répartis à la proportionnelle entre les groupes. Depuis 2009, il faut 15 députés pour pouvoir former un groupe.
Or, les derniers sondages ne sont pas très favorables au parti de Marine Le Pen. Seuls les plus optimistes ont des raisons d’y croire. D’après un sondage OpinionWay/Orpi pour Les Echos et Radio Classique, diffusé fin mai, le Front national, crédité de 19% des voix, obtiendrait entre 10 et 15 sièges. Un autre sondage, publié le 6 juin et réalisé par Ipsos/ Sopra Steria pour France Télévisions et Radio France, donne le FN à 17% et lui octroie entre 5 et 15 sièges. Alors que certains observateurs prédisaient une arrivée massive de députés frontistes il y a seulement quelques semaines, l’hypothèse est, aujourd’hui, de moins en moins probable. « Si le FN réussit à avoir un groupe, il sauve l’honneur. S’il échoue, c’est une contre-performance », assure à franceinfo le spécialiste du FN Jean-Yves Camus.
5 Est-il normal qu’il y ait plusieurs candidats « majorité présidentielle » dans une circonscription ?
Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, tout le monde s’arrache l’image du nouveau président, censée rameuter les électeurs. Si les logos du PS et des Républicains se font rares sur les affiches, beaucoup de candidats inscrivent la mention « majorité présidentielle » sur leurs documents de campagne, même s’ils n’ont pas été investis par La République en marche.
Parmi les cas les plus emblématiques, Manuel Valls, bien que snobé par le parti présidentiel, a repris cette formulation. De son côté, l’ancienne ministre Marisol Touraine, pourtant investie par le PS, se présente comme « la candidate de la majorité présidentielle avec Emmanuel Macron », en utilisant le jaune et le bleu, couleurs emblématiques du mouvement En marche !.
A droite, on n’est pas en reste : dans la 18e circonscription de Paris, où LREM n’a investi personne, Pierre-Yves Bournazel (LR) se réclame lui aussi de la « majorité présidentielle avec Emmanuel Macron et Edouard Philippe ». Son adversaire socialiste Myriam El Khomri, elle, annonce : « Avec Emmanuel Macron, pour une majorité de progrès ». Dans certaines circonscriptions où LREM a investi officiellement un candidat, le parti macroniste appelle à se méfier des « contrefaçons »…
6 A quoi peuvent s’attendre les têtes d’affiche ?
Plusieurs candidats à la présidentielle ont de bonnes chances de faire leur entrée à l’Assemblée nationale. C’est le cas de Marine Le Pen, donnée en ballottage très favorable au premier tour à Hénin-Beaumont (11e circonscription du Pas-de-Calais), et de Jean-Luc Mélenchon, bien placé à Marseille (4e circonscription des Bouches-du-Rhône), selon les sondages. D’autres, comme Benoît Hamon (11e circonscription des Yvelines) et Jean Lassalle (4e circonscription des Pyrénées-Atlantiques), sont plus menacés. S’il n’existe pas de sondage pour le premier, le second est donné loin derrière son rival de La République en marche.
D’autres personnalités politiques de premier plan sont menacées. Dans la 6e circonscription du Rhône, Najat Vallaud-Belkacem est donnée perdante contre le candidat LREM Bruno Bonnell. Dans le 1re circonscription de l’Essonne, Manuel Valls est en difficulté face à Farida Amrani, candidate de La France insoumise : un sondage les donne à égalité au second tour. A droite, c’est Nathalie Kosciusko-Morizet qui risque de quitter l’Assemblée nationale, distancée dans un sondage par le candidat LREM Gilles Le Gendre. A l’inverse, le ministre issu des Républicains Bruno Le Maire devrait être élu sans trop de difficultés. Il recueillerait entre 72,6% et 79,4% au second tour dans la 1re circonscription de l’Eure.
7 Pourquoi y a-t-il autant de candidatures ?
Vous l’avez sans doute constaté en ouvrant votre boîte aux lettres cette semaine. Il y a beaucoup, beaucoup de candidats aux législatives, jusqu’à 26 dans certaines circonscriptions. Mais pourquoi une telle profusion ? D’abord parce que certains camps sont divisés. A gauche, il n’est pas rare de trouver un candidat socialiste, un « insoumis », un communiste et un écologiste, comme dans la 3e circonscription de l’Isère.
Ensuite parce que les élections législatives sont un rendez-vous crucial pour la survie des partis politiques : le financement public est réparti en fonction du nombre de voix à ces élections. Cela explique notamment pourquoi certains partis dont vous n’avez jamais entendu parler, comme le parti Régions et peuples solidaires ou le Parti antispéciste citoyen pour la transparence et l’éthique, présentent des candidats. Enfin, il est plus simple de trouver deux candidats – un titulaire et un suppléant – dans une circonscription que de monter une liste pour les municipales, les régionales ou les européennes.
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